Le Valais 1er canton suisse à interdire la publicité du tabac dans les lieux de ventes

27.11.2023

En Suisse romande, le soutien à l'initiative «Enfants sans tabac» a été le plus net. Le Valais n'a pas attendu l’application de cette initiative au niveau national (probablement en 2026) pour réglementer. En effet, depuis le 1er août 2023, la publicité pour le tabac et autres produits associés dans les kiosques et les points de vente fait l’objet d’une réglementation stricte. Celle-ci complète l’interdiction déjà en vigueur de faire de la publicité pour le tabac dans l'espace public, dans les salles de cinéma et lors de manifestations culturelles et sportives.

Par Carmen Tonezzer & Alexandre Dubuis

Les points de vente comme vitrine publicitaire des produits du tabac

Les points de ventes sont des endroits où l’industrie du tabac investit des sommes colossales afin de présenter et promouvoir ses produits. Mille ruses sont déployées pour attirer l’œil du consommateur vers ses produits, ses promotions et ses rabais en usant d’écrans digitaux, de présentoirs spécifiques, de mobiles, de graphismes colorés, etc[1]. Certains produits sont placés sous le nez des acheteurs, et par conséquent de mineurs[2]. Cette proximité avec les friandises peut suggérer que les produits du tabac sont inoffensifs. De plus, plusieurs études ont montré que l’exposition aux publicités du tabac augmente la probabilité de fumer. Raison pour laquelle, en 2017, l’OMS a souligné l’efficacité de l’interdiction de la publicité sur les liens de ventes[3].

Base légale

La nouvelle réglementation valaisanne découle de la loi cantonale sur la santé, acceptée par le Grand Conseil en 2020. Elle est entrée en vigueur le 1er janvier 2021 et son ordonnance d’application le 1er juillet 2021.

Image: promotionsantevalais.ch

Processus d’élaboration de la directive

Pour mettre en application cette loi, le conseil d’Etat a mandaté une délégation de la commission cantonale consultative « fumée passive », constituée de représentants des commerces, de la publicité mais également de la prévention, pour élaborer une directive claire et applicable des usages considérés comme admissibles en matière de publicité du tabac et autres produits et ceci sur l’ensemble du territoire valaisan. Un enjeu non négligeable a été de trouver des consensus et de clarifier l’acceptation de la notion de publicité dans ce contexte, mais aussi celle de promotion, tant les frontières entre ces notions semblent poreuses. Afin de faciliter la mise en œuvre des mesures, la délégation a eu une approche consensuelle et pragmatique, en favorisant des mesures qui n’allaient pas engendrer des coûts additionnels pour les commerces, comme cela aurait été le cas si les rayons auraient dû être entièrement modifiés.

Contenu de la directive sur les usages admissibles de la publicité du tabac

Cette directive a été adoptée par le Conseil d’Etat en avril. Elle interdit dans les lieux privés accessibles aux mineurs toute publicité pour le tabac et autres produits associés. Sont concernés : les cigarettes, la vaporette, la snus, la snuff, le cannabis légal, les cigarettes électroniques et tout autre produit du tabac. Ces produits devront désormais être rangés derrière ou au-dessus du comptoir. Ils ne pourront plus être mis en évidence sur la caisse et surtout à hauteur des yeux des enfants. Fini aussi les affiches publicitaires sur des écrans lumineux ou la vitrine du commerce. Pour implémenter cette loi, le Canton prévoit une période d’information et de sensibilisation exempte de sanctions, mais tout en effectuant des contrôles par le service cantonal de la santé publique, Promotion santé Valais et les polices municipales à qui incombent de fait les contrôles. En cas de non observance, des sanctions seront prononcées dès novembre, qui peuvent s’élever jusqu’à 20'000 CHF.

La directive, en résumé

Il est interdit de :

  • Mettre en évidence des produits concernés devant le vendeur, la caisse ou le comptoir.
  • Représenter une marque, un logo ou un emballage des produits concernés sur des affiches, cartons, présentoirs ou autres supports.
  • Promouvoir un produit concerné par un prix spécial, une comparaison de prix ou une indication de prix différente des autres produits concernés. Les indications de prix figurant directement sur l’emballage du produit ne sont pas interdites.
  • Présenter des écrans ou affiches rétroéclairées ou non sur les distributeurs représentant les emballages, les marques ou les logos des produits concernés.
  • Exposer un dispositif qui met en évidence un produit concerné particulier (cadre, couleurs, flèches, p.ex.).

Il est autorisé de :

  • Présenter les produits concernés derrière le vendeur, le comptoir ou la caisse, au-dessus ou latéralement
  • Afficher le prix de manière uniforme.
  • Afficher sur les distributeurs comme bouton d’achat des représentations visuelles du produit concerné, au maximum à taille réelle du produit.
  • Exposer les produits concernés sans mettre en évidence un produit particulier (égalité de traitement).

Conclusion et perspectives

Avant même l’entrée en vigueur de la directive, des lieux de vente ont anticipé et retiré les publicités non admises.

Si le Valais est pionnier avec cette réglementation plus stricte, et espère faire des émules dans d’autres cantons, il est bien conscient qu’il s’agit cependant seulement d’un premier pas. La prochaine étape sera la mise en application complète de l’initiative "enfants sans tabac" qui interdira la publicité également dans les médias et sur internet.

Plus d’informations sur nouvelle-directive-publicite-tabac.

 

Depuis 2021, Carmen Tonezzer est chargée de la prévention au sein de Promotion Santé Valais et s'occupe du domaine des addictions dans le Haut-Valais. Enseignante et directrice d'école de longue date, elle connaît parfaitement l'environnement scolaire ainsi que les défis quotidiens auxquels sont confrontés les enfants et les adolescents. Elle est aussi active comme experte J+S et dans diverses associations sportives.

carmen.tonezzer@psvalais.ch

 

Alexandre Dubuis est responsable de la communication institutionnelle et du secteur Addictions-CIPRET à Promotion santé Valais depuis plus de 18 ans. M. Dubuis est Dr en sciences sociales, ses recherches et ses écrits portent sur la gestion des marques corporelles notamment des séquelles de brûlures. M. Dubuis est également actif en politique comme député au Grand conseil valaisan et Vice-président du conseil général de Sion.

alexandre.dubuis@psvalais.ch


[1] Brown, Jennifer L.; Rosen, Debra; Carmona, Maria G.; Parra, Natalia; Hurley, Mark; Cohen, Joanna E. (2022): Spinning a global web: tactics used by Big Tobacco to attract children at tobacco points-of-sale. In Tob Control. DOI: 10.1136/tobaccocontrol-2021-057095.

[2] Dans 39% des points de vente, des produits du tabac et/ou des publicités pour les produits du tabac étaient placés près des bonbons, chewing-gums ou friandises. Les publicités étaient également situées dans 35% des cas au niveau ou en-dessous des yeux d’un enfant (1 m 20). https://observatoire-marketing-tabac.ch/resultats/

[3] https://apps.who.int/iris/handle/10665/345725?locale-attribute=fr&